La clarinette dans l’Encyclopédie

En France, le premier document mentionnant la clarinette est l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert en 1753. On y trouve une illustration et une description laconique : « sorte de hautbois ». Autant cette description est inexacte et insuffisante, autant l’illustration permet de bien distinguer la clarinette du hautbois ou du chalumeau : présence du pavillon, du bec permettant l’adjonction d’une anche simple, des deux clés non diamétralement opposées.

Clarinette à deux clés dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.
Clarinette à deux clés dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.

Il est intéressant de remarquer que cette clarinette, comme beaucoup d’autres de cette époque, était en trois parties :

  • la première comprenait le barillet (partie située entre le bec et le corps de l’instrument dont la forme bombée rappelle celle d’un baril) et le bec, qui ne devint indépendant qu’au XIXème siècle ;
  • la deuxième comportait les deux clés et tous les trous sauf un ;
  • la troisième comprenait le dernier trou et le pavillon.

Les tenons servant à l’assemblage des différentes parties étaient munis de fil afin d’être étanches à l’air ; les mortaises, que leur épaisseur réduite fragilisait, étaient renforcées avec des anneaux d’ivoire ou de métal.

Dans un supplément à l’Encyclopédie, paru en 1776, se trouve un article plus détaillé au sujet d’une clarinette à 4 clés (cliquez pour l’afficher). En voici la tablature :

Tablature de la clarinette dans l'Encyclopédie
Tablature de la clarinette dans l’Encyclopédie

Encore de nouvelle clés

Par ailleurs, la clarinette continue son évolution technique : Joseph Beer, fondateur de l’école allemande, ajoute dans les années 1750 deux clés : la clé de sol dièse grave, actionnée par l’auriculaire de la main droite et la clé de fa dièse grave, actionnée par l’auriculaire de la main gauche. Cette clarinette à cinq clés était jouée par des clarinettistes célèbres à l’époque, tels Franz Tausch et Joseph Beer lui-même.

Clarinette à cinq clés de Rottenburgh (1790)
Clarinette à cinq clés de Rottenburgh (1790)

La clarinette à l’orchestre

C’est en 1749 que la clarinette fait son entrée à l’orchestre : Jean-Philippe Rameau (1683-1764) l’utilise à Paris pour la première fois dans son opéra Zoroastre, puis dans Acanthe et Céphise (1751). On la trouve également à Londres, en 1751, dans plusieurs compositions de Johann Christian Bach (1735-1782).

On sait également que l’orchestre de Mannheim a employé deux clarinettistes à plein temps à partir de 1758 environ, et il semblerait que ce soit le premier orchestre à avoir eu des clarinettistes permanents. L’orchestre de la chapelle du roi Louis XV le Bien-aimé comptait 50 musiciens dont 2 clarinettistes.

En 1767, Christoph Willibald Gluck utilisa la clarinette dans son opéra Alceste.

Joseph Haydn eut des clarinettes à sa disposition à la cour du Duc Morzin de 1759 à 1761, mais apparemment, il n’écrivit pas d’œuvre majeure pour clarinette solo. On a seulement redécouvert il y a quelques années trois trios pour clarinette, violon et violoncelle dont il ne restait qu’une référence dans un catalogue Breitkopf et des copies (l’autographe du compositeur a disparu). Plus tard, il l’introduisit dans quelques unes de ses dernières symphonies (numéros 99, 100, 101 et 103).

Vers 1780, la plupart des orchestres comportaient deux clarinettes permanentes.

L’octuor à vents

Vers 1760, on trouve de nombreux octuors comprenant deux hautbois, deux clarinettes, deux cors et deux bassons. Plus tard, des compositeurs comme Mozart et Beethoven ont également écrit pour ces formations. En 1762, on trouve aussi bien en France qu’en Angleterre des formations militaires faites uniquement d’un ou deux octuors de ce type.

La famille des clarinettes s’agrandit

Clarinette basse de Papalini (1810)
Clarinette basse de Papalini (1810)

Même si la clarinette tardait encore à s’imposer comme instrument de l’orchestre dans les années 1760, elle était déjà répandue dans toute l’Europe, et même dans les grandes villes d’Amérique. Comme l’instrument était de plus en plus utilisé, les fabricants se sont penchés sur l’élargissement de la famille : la clarinette basse et le cor de basset sont apparus autour de 1770.

Cor de basset de Kirst (1790)
Cor de basset de Kirst (1790)

Le cor de basset, en fa, utilisait le même bec que la clarinette : le diamètre de la perce était identique. Mais le cor de basset descendait jusqu’au do grave, grâce à des clés actionnées par les auriculaires ou le pouce droit. Cet instrument a été utilisé assez fréquemment dans la musique de chambre de la période classique (en particulier par Mozart), mais a quasiment disparu au début du XIXème siècle, alors que la clarinette basse s’est imposée bien plus tard. Meyerbeer est le premier à l’utiliser à l’orchestre, en 1836, dans les Huguenots. Mais elle se développe vraiment vers la fin de la période romantique où des compositeurs comme Wagner l’ont beaucoup employée à l’orchestre.

Caractéristiques des clarinettes de la période classique

Les clarinettes de cette époque étaient quasiment toujours en ut ou en si bémol, la clarinette en la était rare comparativement. La perce était la plupart du temps plus étroite que sur les clarinettes actuelles. Les anches utilisées étaient dures, petites et étroites, faites de roseau, mais aussi parfois de pin ou de sapin. D’autre part, les clarinettistes jouaient avec l’anche sur le dessus, donc en contact avec la lèvre supérieure, à l’inverse de ce qui se fait actuellement. Cela explique pourquoi la mentonnière désigne aujourd’hui la partie du bec où l’on pose les dents du haut, mais qui était à l’origine du côté du menton !

Autres articles sur l’histoire de la clarinette :

Sources de cet article : voir la page Bibliographie.

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